Désinsectisation par le froid d’objet en bois. Application à la collection du musée de Sarlat

Emmanuel MAURIN, Ingénieur bois, Laboratoire de recherche des Monuments historiques

 

Résumé

Les traitements de désinsectisation des bois mobiliers qui sont le plus souvent utilisés sont les traitements chimiques, en phase liquide, ou les traitements physico-chimiques, par privation d’oxygène. Ces différents types de traitement ont leur limites : les traitements en phase liquide sont invasifs et pour certains toxiques (non acceptables selon la directive européenne REACH, « Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals ») ; les traitements par anoxie requièrent une certaine technicité et sont relativement long (3 à 5 semaines selon la température de traitement).

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Dans ce cadre, les traitements utilisant la température présentent une alternative intéressante. Ces méthodes répondent bien aux spécifications en vigueur dans le milieu de la conservation restauration [1] : le traitement est rapide, non invasif et efficace sur toutes les espèces d’insectes thermo sensibles. De plus, ces méthodes n’utilisent pas de produits toxiques et ne laissent pas de résidus (mais utilisent des ressources d’énergie électriques).

Depuis plusieurs années, l’utilisation de températures extrêmes, en particulier les traitements de congélation, se sont développés notamment pour lutter contre les insectes présents dans les denrées stockées [2]. L’activité des insectes est variable en fonction de la température [3]. Mais les insectes n’ont pas de système interne de régulation de la température et ils ne peuvent maintenir leur métabolisme que dans une certaine échelle de température : une augmentation ou une baisse de température dans des valeurs extrêmes a un effet létal sur la plupart des insectes  (en particulier les xylophages) des pays tempérés. Au dessus de 52°C et en dessous de –25°C, les insectes meurent en quelques minutes [4].

La congélation est une méthode qui est utilisée dans les musées depuis quelques dizaines d’années ([5], [6], [7]). Ce procédé est utilisé en particulier pour les textiles [3], un matériel pour lequel le procédé est maintenant considéré comme traditionnel en France. Pour le bois, alors même que des expériences ponctuelles ont été réalisées sans montrer de dommages, peu d’études scientifiques ont été menées pour valider la méthode. Par ailleurs, des expériences pour évaluer l’impact d’une congélation dans de l’azote liquide sur des peintures ou des pigments utilisés pour recouvrir des bois ont montré qu’il n’y avait pas d’altération des produits testés [8].

La première partie de l’exposé présente les travaux réalisés au LRMH depuis quelques années. Nous avons mesuré expérimentalement la cinétique du froid dans du hêtre : elle est d’environ 0,5mm/h dans une enceinte préalablement conditionnée à –30°C. Nous avons par ailleurs mesuré les variations dimensionnelles de différentes essences de bois (ipé, hêtre, red cedar) conditionnées à différentes humidités lors du procédé de congélation : la variation dimensionnelle maximale dans le sens tangentielle pour des bois d’humidités inférieures à 15% est de l’ordre de 0,3% (soit la variation observée pour une variation de 1% d’humidité à 20°C).

Des mesures de résistance de joint de collage (colle protéinique et vinylique), ou de résistance mécanique d’échantillons congelés ne montrent aucune  variation due au traitement. Enfin, une première campagne d’essais sur l’impact de la congélation sur la tenue de finitions (acrylique, cire, gomme laque, …) ne montre pas de d’impact du traitement mais doit être confirmée par des mesures plus fines.

Des essais sur des objets anciens non inscrits à l’inventaire des musées, ne montrent pas de problème avec ce type de traitement de conservation.

La seconde partie de l’exposé présente une partie de la campagne de traitement réalisée sur les collections du musée de Sarlat. Une présentation non exhaustive des objets de la collection permet de voir les différents types d’objet qui ont été traités : leur volume parfois important (par exemple : colonne de 2,5m pour 30cm de diamètre moyen), la multiplicité des matériaux / produits qui les constituent (bois, ivoire, métal, peinture, dorure, vernis, cire,…) ou leur fragilité due à leur altération. La mise en place du dispositif, l’instrumentation, et le résultat sont enfin présentés. Il s’agit de montrer la pertinence de l’utilisation d’un conteneur frigorifique lors de ce type de traitement. Malgré quelques problèmes techniques liés à une panne sur le conteneur, le traitement de désinsectisation a pu être validé grâce au suivi en température réalisé au plus proche des œuvres.

 

Pour la collection du musée de Sarlat, ce traitement s’est avéré être un succès.

 

References

1. Henin J.M., Charron S., Luypaert P., Jourez B., Hebert J. (2008). Strategy to control the effectiveness of microwave treatment of wood in the framework of the implementation of ISPM 15. Forest products journal A., vol. 58, n° 12, pp. 75-81.

2. FleuratLessard F., Lesbats M., Lavenseau L., Cangardel H., Moreau R., Lamy M., Anlade P. (1979). Effets biologiques des micro-ondes sur deux insectes Tenebrio molitor L. et Pierisbrassicae L.. Ann Zool. Ecol. Anim. 11 457-478.

3. De Reyer D., Chauvin G. (2002). La désinsectisation par le froid : données fondamentales et application en muséologie. Les contaminants biologiques des biens culturels / éd. scientifique Marie-France Roquebert Paris ; Amsterdam ; New York : Elsevier.

4. Stengaard Hansen L., Vagn Jensen K.M. (1996). Upper lethal temperature limits of the common furniture beetle Anobium punctatum (Coleoptera: Anobiidae). International Biodeterioration & Biodegradation, Volume 37, Issues 3-4, Pages 225-232

5. Florian M.L. (1968). The freezing process – Effects on insects and artifacts materials. Leather conservation news, vol 3, n°1, 1-12.

6. Strang T. (1997). Lutte contre les insectes par exposition au froid. http://www.cci-icc.gc.ca/publications/ccinotes/pdf-documents/3-3_f.aspx  (accessed 2 November 2009).

7. Bergh J.E., Jensen K.M., Akerlund M., Hansen L., Andren M. (2006). A contribution to standards for freezing as a pest control method for museum. Collection forum, 21 (1-2) 117-125.

8. Schieweck A. (2005). Effects of cryogenic temperatures on paint layers on polychrome wooden objects. ICOM committee for conservation, preprints of the 13th Triennial meeting, 12-16 September 2005, vol. II, p. 847-854.

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